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son à l’Alsace, possesseur d’un magot de cent mille ! Elle avait fait pleurer, cette chanson, un bon compatriote de M. Antoine (de Metz) et l’excellent homme n’avait rien trouvé de mieux à faire que d’en coucher l’auteur sur son testament. Contez, contez, Shéhérazade !

Jules Vallès, que j’ai beaucoup aimé et admiré davantage encore, car c’est, avec Diderot, le plus vivant écrivain de notre langue, Jules Vallès avait hérité, lui aussi, d’un Auvergnat enthousiaste, son compatriote. Cet homme du Puy-de-Dôme l’avait, en expirant, doté de sept mille livres de rente, et c’est là dessus que le proscrit vivait à Londres quand je l’y allai voir. Quand on pense que quelques mois auparavant on osait l’accuser d’avoir voulu brûler le Grand Livre ! mais c’était certainement à ses opinions politiques qu’il avait dû la chance de cette petite fortune, et non pas à son génie de styliste. Car en Auvergne !… Du reste, il ne voulut jamais s’expliquer là-dessus avec moi.

— Voyons, lui disais-je, c’est pour ton écriture, dis ?

— Tu t’en ferais mourir, s’écriait-il malignement, et il éclatait de rire. Mais je n’en obtenais pas davantage. Si Séverine en sait plus long que moi sur cet héritage de Vallès, elle devrait bien me rendre l’espérance. Je ne demande qu’à croire aux oncles littéraires — fussent-ils Auvergnats.

Car j’arrive tout doucement à l’âge où l’utilité d’écrire cesse de se démontrer clairement, et il y a des heures où je vendrais volontiers mon silence à mon siècle pour ce qui fait qu’on peut aller vivre à la campagne, y emporter le cher fardeau des affec-