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IV

TROIS MILLIONS POUR UN ARTICLE


Ce fut à cette époque qu’il m’en advint une cruelle, plus ridicule encore peut-être, — j’héritai de trois millions.

Voici comment eut lieu cette sotte aventure.

Dans une de ces chroniques alimentaires où se boulange le pain, d’ailleurs bis, des poètes rebelles à la servitude et que j’enfournais déjà à manches relevées dans tous les moufles de la presse, j’avais — quelle imprudence ! — évoqué le bon génie à tête mécénique et de tradition perdue qui vient du ciel faire des loisirs rentés aux geindres las de l’écriture. Mon excuse était que je n’y croyais pas. L’appel était virtuel et théorique. Le munificent est un mythe, et, à y bien songer, je me suis convaincu qu’il n’a pas à intervenir dans nos démêlés avec la Démocratie. Notre négoce est à base de mort. Tout ce qui la retarde nuit à notre fonction sociale, vous voyez que je ne dis pas : divine.

Il m’en a cuit de l’oublier un jour. On m’a flanqué