délaissée fait prime déjà sur le marché des livres, et ceux qui l’ont, la gardent et s’y réfèrent. Il chante un peu de bonne France là-dedans et si l’anthologie demeure inachevée, elle n’en a pas moins tournure de monument ethnique. Je doute que l’on puisse, sans y recourir, écrire exactement l’histoire de la fin du Second Empire et des débuts de Marianne la Troisième. C’est de là que sortira le Michelet futur.
Mais laissons cette apologie et revenons à mes souvenirs.
Le père Dumont, dont je vous ai déjà parlé au sujet de la création de L’Événement, ne désarmait pas contre Le Figaro, sa bête noire. Il s’était juré de le tomber ou d’y laisser son nom d’Auguste et sa fortune. Peut-être y serait-il arrivé si Dieu ne lui avait, par pitié pour ses héritiers, retiré le prêt de la vie, car il faillit réussir avec Gil Blas dont le titre similaire lui sonnait comme la fanfare d’une lutte entre Lesage et Beaumarchais. Et tout à coup, Gil Blas fut. Le principe stratégique, en pareil cas, est d’arracher à l’ennemi ses bons soldats et ses capitaines, et il avait commis à ce soin un brave garçon nommé Jules Guérin, bombardé secrétaire de la rédaction, je n’ai jamais su pourquoi ni comment, lui non plus du reste. Je l’avais connu vingt ans auparavant à la Comédie-Française où il était comédien et réalisait son prix du Conservatoire. Il y jouait les utilités. Je crois qu’on retrouverait son nom dans les distributions de rôles du répertoire d’Émile Augier. Il excellait, à ma souvenance, dans les personnages d’invités, qui traversent le bal, en queue de pie, un camélia à la boutonnière. Il était d’ailleurs joli garçon, de taille bien prise et ne manquait pas de littérature. Puis,