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blissante. Le journaliste est reçu dans ce « salon » sans montrer d’autre patte blanche que celle de quelque orthographe rehaussée de manières décentes.

Il y représente la transformation scientifique des idées et des formes, parallèle à celle de la société. Il y fixe le rôle de l’actualité dans l’histoire. Il y témoigne de l’évolution quotidienne de notre marche à l’étoile. Il y prépare les documents certains d’un Gesta Dei où nos neveux puiseront l’eau pure et vivante de vérité. J’ai toujours pensé que nos feuilles volantes, ludibria ventis, formeront, le jour venu, les cahiers généraux de l’avenir et comme une encyclopédie universelle auprès de laquelle celle de d’Alembert, Voltaire et Diderot n’apparaîtrait plus qu’un compendium désuet et périmé. Mais j’en parle comme M. Josse d’orfèvrerie, et jamais on ne verra d’éditeur pour une telle compilation, qui n’aurait pas d’ailleurs de « librairies » dans la maison moderne.

Un homme pourtant s’est rencontré qui conçut la pensée de ce dictionnaire philosophique et même en esquissa la réalisation. Henri Havard, opérant par sélection dans l’immense chaos de la production militante des enfants de Théophraste Renaudot, tenta de créer une bibliothèque de chroniqueurs. C’était d’ailleurs le beau temps de la chronique, genre spécialement parisien et qui fleurissait alors des maîtres. Il ouvrit la série par les plus avérés d’entre eux et il recueillit de leur encre ce que Francis Magnard appelait des « pages ». Le public ne suivit pas l’éditeur et courut aux romans d’un jour, car le pli est vieux et jusqu’à la ride. Mais cette collection