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sie, grâce à ses individualités hors pair, pèse davantage à l’actif intellectuel de l’Âge de platine. Il en devait être fatalement ainsi, et non autrement, à une époque emportée par la science à tous les vertiges du carpe diem. La vie au jour le jour rend en verbe : le journal ; son nom même en fait foi. Nos écrivains l’ont tous compris et l’on n’en citerait pas trois, parmi les prosateurs s’entend, qui ne soient entrés délibérément dans l’attelage moderne du char des Muses. Comme on a dit de ceux qui s’entreprennent au type de Don Juan, ils en sont sortis plus grands et vêtus de bronze, propres à toutes les courses du stade. Il n’y a à excepter, je le répète, que les lyriques essentiels à qui la nature elle-même interdit le repos de l’essor et la pose sur les réalités contingentes. Encore le mieux ailé d’entre eux, l’oiseau Rock, a-t-il au moins rasé parfois la terre et mouillé ses pattes au torrent. Victor Hugo a écrit des articles, et voilà qui suffit, je pense, à sacrer le journalisme.

Du reste, l’un des prix dont il paye les efforts qu’on lui consacre, est celui auquel un homme fier attache le plus d’importance, — c’est l’indépendance. Ce bénéfice nous change un peu, avec ou sans jeu de mots, des autres, soit de ces prébendes de servitudes du vieux système où, pour le pain, on laisse sa dignité civique dans les offices des mécènes. La plume aujourd’hui est un outil social et tenu pour tel en démocratie, elle nourrit son ouvrier par le travail et affranchit son homme par le métier. Personne ne le nie plus, pas même l’Académie des Quarante, qui ouvre son giron cardinalesque au nouveau venu de l’Écriture, et l’arme, comme les autres, de l’épée ano-