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bonne » à la mienne. Mais ses yeux papillotants m’interrogeaient avec une anxiété poignante. « Ainsi tu l’as lu, me disaient-ils, tu l’as même acheté, mon petit livre, et tu l’as jugé digne d’éloges !… » Et c’était si expressif, ce regard, que je ne pus y tenir. — Vous savez, Magnard, fis-je en interrompant son historiette, vous savez que ce n’était pas pour vous demander une augmentation !… Il fit alors quatre ou cinq pas dans le cabinet, se rassit, reprit son coupe-papier, et dit : — Non, mon cher, non, je ne suis qu’une position !…

Nous nous brouillâmes, depuis lors, sur une assez vulgaire contestation de salaire, où son scepticisme lui-même s’éclipsa. Nous échangeâmes des lettres disgracieuses et, la rupture advenue, la pose des lapins commença. Mon Caliban, on le sait, en était joyeusement fertile. L’un de mes plus réussis fut la candidature à l’Académie française, que je lancai dans les jambes du positiviste in-32. Le pauvre garçon en cria. Francis Magnard, l’un des Quarante, l’homme des articulets monogrammatiques et compendieux sous la coupole, l’hyperbole le pinçait sur une plaie inguérissable et qui se rouvrait tous les jours. Mais en vérité, je ne le savais pas si malade, du mal du moins qui l’a prématurément emporté, et je ne pensais qu’à lui revaloir un peu de ce gravier qu’il avait jeté dans mon jardin, la littérature étant diversement, à nous deux, notre côté faible.

Mais au moins, lui, il l’a adorée, cette sainte et décevante littérature, et il en est mort, à sa façon. C’est bien quelque chose par le temps d’inorthographie, d’asyntaxie et d’inhumanités qui court et