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page ! — Il la prit, puis sans la déplier, sonna le garçon de service, et la lui remit : — À la composition… — C’était charmant, cet accueil, et inespéré, d’après les bruits de couloirs. — Quoi, sans lire ? — On ne lit pas « L’Homme Masqué » ! À propos, comment signez-vous ? — Mais de mon nom patronymique, je pense. — Vous avez tort, reprit-il en se levant. — Pourquoi ? — Vous diminuerez d’autant vos chances de réussite.

À ma demande d’explication d’un pronostic aussi paradoxal, voici comment il répondit : — Il n’est pas douteux que vous ne soyez un phénomène curieux dans les Lettres, et sans autre exemple. Rien de ce que vous signez du nom de vos pères n’a l’heur de plaire, on ne sait d’ailleurs pourquoi : vos mésaventures théâtrales n’ont pas d’autre cause ; vous vous démasquez sur l’affiche, on sait de qui est la pièce et par conséquent qu’elle ne peut pas être bonne, même le fût-elle. Il a suffi qu’au Voltaire vous prissiez le loup d’un pseudonyme pour que le public dérouté vous fît fête. C’est absurde, mais qu’est-ce qui n’est pas absurde en ce monde, vous seriez bien aimable de me le dire ? À présent, vous en ferez ce que vous voudrez. Venez ce soir corriger vos épreuves.

La chronique parut le lendemain et sous le même titre qu’elle a gardé dans l’un des recueils où elle a été réunie aux autres : De la vertu du Tout-Paris des premières. Elle est fort flagellatoire et dans la tradition villemessantique. — Quel dommage, m’en dit Magnard, vous l’avez signée ! Elle aurait beaucoup plu !

Ainsi donc c’était mon cher et vieil ami Alphonse Daudet qui avait lu le tarot de ma destinée, quand