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cou, souvent à la première séance. Ne trousse pas qui veut, disait l’Oncle, ce que Francis Magnard appelait si drôlement « une page », et les cyclopes de la composition « l’en-tête ». La chronique est une fleur de l’asphalte. L’enfant de Paris que je suis était prédestiné sans doute à réussir dans sa riante culture.

Il y avait alors et l’on m’assure qu’il y a encore, deux voies, dans le labyrinthe littéraire, propres à conduire, sans fil d’Ariane, les Thésées de l’écriture à l’abattage du Minotaure (voir : public français au dictionnaire des tropes). L’une de ces routes sûres passait de mon temps, rue du Cloître-Saint-Benoît qui, en dépit du souvenir de François Villon, n’était pas gaie. Il y régnait un autre François, d’origine savoyarde, d’ailleurs borgne, qui battait la mesure de la gloire aux deux mondes et menait les gens de plume à Mnémosyne par la cravate blanche. Il émanait de lui une sophie d’art, proprement qualifiée par Louis Veuillot de : bulozophie, dont le public français (voyez Minotaure) avait un respect épouvantable. Aussi prenait-il de sa main tous grands hommes qu’il lui proposât, sans les lire, sur la foi de la couverture couleur saumon de la revue où il garantissait leurs produits. Je me rappelle encore le trouble où nous jetait, chez Lemerre, la présence de cet excellent André Theuriet, le meilleur et le plus modeste poète du monde, quoique « celui » de la revue bihémisphérique. André Theuriet était saumoné.

Ce chemin de célébrité suit aujourd’hui la rue de l’Université, aussi triste et plus que l’autre, et la bulozophie y dure et perdure, abondante en raseurs de style grave, qui y font carrière rapide. J’ai vu là