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Ce n’est rien dire de trop que de dire que j’ai eu, pour cette bataille, des ennemis à défrayer une âme de vingt ans. La mitraille a grêlé. Mais je restai maître du pont. Ce fut le moment de filer sur un autre point de combat, et j’y filai. Non, oh ! non, Claretie, point de ferme en Beauce ! Le gros Suffrage le saurait ; il viendrait m’y atteindre, et tout serait fini. Il ne me resterait plus pour rire qu’à vous demander votre voix pour le fauteuil académique.

Le Premier Baiser offre une particularité à l’histoire anecdotique du théâtre français à la fin du dix-neuvième siècle. Quoique la pièce n’ait qu’un acte, elle a été répétée pendant quatre mois ! Quatre mois pour un acte ! Certes ! ce ne fut pas de la faute des interprètes, qui la savaient au bout de huit jours ! mais c’était une nouveauté, et on ne savait quand la donner. Elle gênait les reprises !

Voici comment se passaient ces répétitions. C’est de la sténographie.

UNE RÉPÉTITION

La scène représente celle de la Comédie-Française pendant les répétitions du Premier Baiser de février à mai 1889. Cette scène est obscure, quoique les cadrans de la Ville et les horloges de ses beffrois sonnent midi trois quarts — pour une heure. Une veilleuse au bout d’un fil se balance dans le sanctuaire… Boîte du souffleur au fond. Plus loin, la guérite des auteurs et du directeur. Perspective lointaine et troublante de salle vide. Courants d’air, craquements sinistres, peut-être de l’institution, certainement du plancher, ombres violâtres, présence invisible de l’Empereur…