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culture et ses goûts d’artiste. Il venait d’ailleurs d’en témoigner en imposant délibérément à la Comédie-Française cette admirable La Parisienne, d’Henry Becque, rebutée par elle et reconduite elle aussi à coups de boules d’ébène. Cette intervention ministérielle avait eu dans les Lettres un retentissement considérable. Depuis Louis XIV de moliéresque mémoire, c’était la première fois que le pouvoir venait en aide à un écrivain étouffé par l’arbitraire. L’idée me vint de recourir à mon tour à ce trancheur de nœuds gordiens et d’obtenir sous son égide la revision du jugement sommaire et sans phrases dont la raideur même signait l’iniquité. On sait, en effet, que nulle séance à huis clos de conseil vénitien n’est plus comiquement rébarbative que cette réunion de juges sans mandat des Muses, et muets, qui décident à vue de nez de la littérature d’État en France. Mais j’en ai tant dit et tant écrit là-dessus que j’y ai épuisé mon rire et mes peines.

Le ministre me demanda communication de l’ouvrage, dont il connaissait le martyrologe odéonien, et il se fit fort de renouveler pour lui son exploit de La Parisienne. Hélas, et cette fois, il jeta vainement son portefeuille dans la balance. Caliban avait trop blagué l’Édit.

delcabinet du ministre
de l’instruction publique
de let des beaux-arts

« Ragatz, le 11 août 1891.
« Mon cher maître,

« Le temps m’a manqué, matériellement, pour vous écrire avant mon départ de Paris et sans doute con-