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Toute la théorie est là, et elle n’est que là. Elle donne raison à ceux qui, désabusés de la critique et certains de son impuissance, s’en remettent pour leur repos, à l’arrêt sarceyen de la recette. Le caissier du théâtre est le bon juge, étant le truchement de ce public devant lequel des Corneille, des Racine et des Molière se prosternent en leurs préfaces. Je n’avais pas encore eu de succès, je débutais toujours. Évidemment. Mais alors, mon cher Porel, pourquoi la commande ? Par amitié peut-être ? J’y songe aujourd’hui seulement.

Mais revenons à mes carnets.

J’ai dit que j’étais en crise belliqueuse et les notes qui suivent attestent d’une animosité dont la sincérité est l’excuse. Les adoucir serait mentir non seulement à l’intérêt rétroactif qu’elles peuvent avoir, mais à l’honneur de mon destin de Sisyphe, le lapidé modèle, l’homme le plus gai de son temps, qui jurait quelquefois s’il riait toujours, dit la fable.


Même date. — À onze heures, j’étais aux Beaux-Arts, rue de Valois, chez Castagnary, à qui je faisais, à défaut de celle de Ranc, passer ma carte. Je ne l’avais pas revu depuis le temps de la brasserie des Martyrs, entre 1864 et 1865, où il hantait avec la bande réaliste groupée autour de Gustave Courbet. C’était Castagnary qui, pour railler Jules Vallès de l’indigence de son vocabulaire, lui avait un jour jeté l’apostrophe fameuse : « Toi, hors des cent mots du vocabulaire de Racine, tu ne serais pas fichu d’écrire deux lignes de prose. »

— Il m’a reçu avec une vive cordialité, et sans la moindre pose. — Calmez-vous, me dit-il, allez dé-