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De nos débats retentissants au sujet du Fracasse, il n’est resté qu’un mot qui les date. Il est vrai qu’il m’a rendu quasi académisable, tant la philologie populaire lui a fait fête. Le retirer de la langue à présent, comment m’y prendre ? Même quand ils en seront à la lettre T et proprement avant : tripe, c’est-à-dire quand nous serons depuis longtemps trépassés l’un ou l’autre, il faudra bien que les Quarante lexicographes en délibèrent sous la coupole. Richelieu les guette. Comme ils ont vocabularisé ces temps derniers : Épatant et ses dérivés, j’ai peu d’espoir qu’ils écartent mon néologisme et voilà notre querelle entrée avec lui dans l’histoire ! C’est ainsi — toujours les dieux ! — que l’on fait de l’irréparable.

Mais c’en est assez, n’est-ce pas ? Il ne sied qu’à Didon d’induire le pater Æneas à renouveler sa douleur et qu’à Virgile d’obtenir qu’on l’écoute. Forcé néanmoins par les règles de l’autobiographie de donner sa place en mes Souvenirs à un épisode caractéristique de ma carrière littéraire, il m’a semblé que, sans le narrer à nouveau, je pourrais, sur la foi de mes agendas, restituer l’homme disparu et dont il ne reste plus un atome, qui fut le contemporain de ma disgrâce oubliée. Les documents portent en eux-mêmes leur intérêt auquel le public, ivre de témoignages, paraît s’attacher de plus en plus, quel que soit celui qui les lui apporte. Voici donc, et toutes vives, les « tranches de vie de mon petit mémorial de 1887-1888 ».


Dimanche 4 décembre 1887. — Hier, élection de Sadi Carnot à la présidence de notre douce République. Si, avec un pareil prénom il ne fait rien pour