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« Ne faites pas attention, sourit M. César, c’est mon gendre. Il est dans les lions !

— Dans les lions ! » Et tous de nous écrier à la fois : « Bidel ! »

C’était Bidel en effet, le célèbre dompteur populaire, cher aux titis de la capitale. Quel autre gendre en effet (étions-nous bêtes !) pouvait avoir un homme nommé M. César ? Et voilà ce que c’est que de ne pas réfléchir. Nous adressâmes à notre hôtelier et nos excuses et nos compliments.

Ce qu’il y a de plus curieux à Sartène, c’est la vieille ville. Quoiqu’elle ne date pas de très loin, paraît-il, puisque sa fondation ne remonte qu’au seizième siècle, ce qui, je vous l’avoue, m’étonne : ce quartier donne la sensation la plus franche des choses du moyen âge.

Imaginez un embrouillamini de ruelles entre-croisées, tournantes et zigzagantes, un incroyable labyrinthe de couloirs sombres, s’amorçant les uns dans les autres, et dont l’architecte paraît être un chat travaillant un peloton de fil, des escaliers, des voûtes, des rampes, des passerelles en croix, en losange, en demi-cercle, en trapèze, et larges à peine de deux pieds. Impossible de passer plus d’un à la fois ; et quand on se rencontre, il faut se résigner au saute-mouton, comme les écoliers.

Il ne doit pas faire bon ici d’avoir un ennemi mortel et d’être obligé de sortir. Il est vrai que le rapprochement des murailles est un empêchement sérieux au développement du pugilat. On reçoit tout de suite à l’occiput le contre-coup du sinciput. Et puis, pour séparer les combattants, les femmes ont à leur disposition le moyen facile de les arroser des fenê-