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que Victor Koning trouve excellente et parfaitement bonne. Donc, il n’y a plus qu’à la jouer ; La fille le veut bien, son amant le respire ; pas l’ombre d’une difficulté dans tout cela. Même, par surcroît, il arrive qu’Émile Augier, le maître incontesté du théâtre moderne, a lu le drame, l’a approuvé, a même, avec son sens impeccable, indiqué certaines corrections des plus heureuses, et qu’il recommande chaudement au directeur du Gymnase l’œuvre de son jeune confrère.

Il n’en fallait pas tant, le directeur étant plus convaincu que tout le monde, et déjà on allait écrire les bulletins de répétition lorsque, regardant Bergerat avec plus d’attention qu’il n’avait fait encore, le rusé Koning reconnaît sur son front, à n’en pas douter, le signe indélébile dont est marqué le Poète ! Voilà qui changeait furieusement la thèse, et il ne s’agissait plus que de détourner les chiens au moyen d’une transition de génie.

— Eh bien, dit le spirituel directeur, nous voilà d’accord sur tous les points. Seulement, vous le comprenez comme moi, votre rôle est trop beau pour que je le fasse créer par une autre artiste que Sarah Bernhardt ! Amenez-moi Sarah Bernhardt prête à répéter, et nous mettons tout de suite votre pièce à l’étude.

Bergerat eut un moment l’air stupéfait d’un homme à qui on demande la lune ; mais il ne tarda pas à reprendre son sang-froid. Pour être joué, que ne ferait pas un auteur dramatique ? Si on le lui avait demandé, il serait allé chercher l’Eau qui danse ou la Pomme qui chante ; pourquoi pas Sarah Bernhardt ? Il prit congé, monta en chemin de fer, et ar-