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un golfe de Galeria en grand, et traité par un Rubens. Pour jouir de la magnificence de ce paysage, s’en imprégner jusqu’à l’âme, il est bon de s’arrêter une heure au village de Partinello qui domine la baie, et où l’on trouve une bonne petite auberge, fort bien approvisionnée du reste.

Partinello n’est point, à la vérité, un village : c’est un escalier. Les maisons y sont superposées sur une pente glissante ; et si elles n’étaient pas retenues par de grands arbres, elles tomberaient dans la mer, comme les moutons de Panurge.

Nous y avons vu deux jolies tisseuses, installées sur la route même avec leurs métiers rustiques, et qui certainement faisaient leurs toiles des rayons flottants du soleil. Il en voltigeait de tous côtés parmi les airs et jusque dans leurs chevelures embroussaillées.

Au fond de ce golfe extraordinaire, qui sera un jour ou l’autre, je vous le certifie, célèbre et peuplé de riches hôtels et de villas, on traverse un hameau sans importance, du moins par le nombre de ses habitants. Il s’appelle Porto et il a paré la crique de son nom. C’est à Porto que l’on embarque les pins, les mélèzes et tous les géants ligneux que l’État, insatiable bûcheron, abat dans la forêt de Valdoniello. La tour carrée dressée sur un roc flamboyant qui s’avance au milieu des flots, est un spécimen complet de ces fortifications dont les Génois avaient encerclé l’île. Son inutilité naïve et pittoresque donne la note de caractère de cette inoubliable solitude. Elle sert de reposoir aux goélands fatigués.

Entre Porto et Piana, le ruban de route ondule sur les précipices comme une écharpe dénouée au