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sâmes dans la ville magique, nos hôtes nous firent monter à la citadelle. Entre les tours du vieux donjon génois, comme dans un pâté sans couvercle, tout le mystère d’une antique cité est enclos. À travers un dédale de rampes, de ruelles, d’escaliers, de passages voûtés, on atteint à une terrasse circulaire, plantée de platanes touffus, d’où l’on domine tout le profil dentelé de la côte, jusqu’au cap Corse. Quelle vue ! Le port est en bas, à trois cents mètres, agitant mollement les coques de noix et les bateaux en papier de sa flottille. Et, à droite, la Balagne s’éploie, tapis d’émeraude piqué d’or. C’est là qu’il fait bon s’accouder, s’emplir l’âme de joie, les poumons de brise, les yeux d’étendue colorée et laisser s’égoutter les heures de l’urne penchée du Temps !

Mais après la poésie l’érudition a ses droits, et nous rentrons dans l’intérieur du pâté. Dans une ruelle, pareille à celle de l’Algajola, nos guides nous arrêtent. Ils nous montrent une ruine. C’est plutôt, si j’ose m’exprimer ainsi, une ruine de ruine, car à la vérité il ne reste de ce qu’ils y voient que l’éboulement confus de quelques gravats sans forme architecturale apparente.

« Vous êtes dans la rue du Fil, nous disent avec émotion ces aimables gens, les plus hospitaliers d’une ville qui est le chef-lieu de l’hospitalité corse.

— La rue du Fil ?… »

Et je dresse interrogativement la tête. Mais mon savant compagnon de voyage a vite paré au mauvais effet de mon ignorance, car il sait, lui, sa Corse sur le bout du doigt, et comme doit la savoir un petit-fils de Lucien Bonaparte.

« Est-ce là tout ce qui reste de la maison où il est