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et l’on gémit de ne pas être un ciseau, au lieu d’être né plantigrade. Au col de Teghime, j’avais envie de me lancer à la nage dans l’espace et de gagner Calvi par brasses.

La calèche me reprit à temps, et elle nous descendit à grandes guides jusque dans un vaste vignoble où l’on faisait la vendange. Le lieu s’appelle Barbaggio.

De belles filles brunes, aux yeux de velours, portaient sur la tête de grands paniers carrés remplis de raisins violets et s’en allaient ainsi, pieds nus, par les sentiers. À notre prière, elles nous en offrirent quelques grappes, et si grosses, que, un kilomètre plus loin, nous n’avions pas encore fini de les égrener.

Nous traversons une rivière bordée de lauriers-roses, comme l’Eurotas, et nous voici encore une fois dans un marécage.

Dans ce marécage croupit la jolie ville de Saint-Florent, dont Napoléon rêva de faire un autre Toulon.

S’il avait voulu réaliser ce projet, il lui aurait fallu d’abord, je suppose, dessécher le marais formé par les alluvions de l’Aliso, en canaliser l’inondation et rendre le pays habitable. Quant au golfe de Saint-Florent, il est admirable en effet, et la rade qu’on y construirait n’aurait peut-être pas son égale au monde.

« Ce golfe peut contenir une armée ! » s’écriait l’ingénieur Bellin en 1769. Pour un golfe, contenir une armée c’est le comble de la gloire géographique.

Quant à la ville elle-même, rien à en dire d’inté-