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Pour aller rejoindre à Folelli la grande route nationale qui dessert toute la côte orientale de l’île et met en communication Bonifacio et Bastia, on descend de la Castagniccia le long du Fium’Alto par une route si belle et tellement mauvaise, qu’on ne sait s’il faut attribuer à l’admiration ou à la douleur les cris que les voyageurs y poussent.

Or, comme cette voie golgothique est précisément celle par où les malades abordent aux eaux d’Orezza, on comprend que les docteurs hésitent souvent à les y envoyer. Ils ne peuvent y arriver que décarcassés, s’ils y arrivent. On risquerait moins sa vie à descendre à Folelli par le lit même du torrent que par la route « carrossable » — disent les guides — qui le longe. Nous avons croulé pendant vingt-deux kilomètres, parallèlement avec une rivière croassante, qui semblait nous présager sinistrement tous les accidents que l’on rêve, et le tonneau de Régulus est doux comme montagne russe auprès de ce que nous endurâmes aux reins, aux côtes, à la tête, aux genoux et partout, dans la calèche la mieux suspendue de la Corse.

Mais quelle contrée dramatique et superbe que cette Casinca, et quel beau Phlégéthon que ce Fium’Alto ! Si jamais je retourne en Corse, je me promets de revoir ces gorges sauvages, abondantes en sites héroïques, et où un peintre d’histoire trouverait cent motifs pour un « débrouillement du chaos » ; — seulement je les parcourrai à pied.

Folelli n’est rien qu’une auberge, mais c’est une excellente auberge, où l’on déjeune comme il faut déjeuner. Je suppose d’ailleurs qu’on y dîne de même.