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ad libitum. Il me répliqua par le souvenir de « la tête de loup » que j’arborais romantiquement à cette époque, et nous fûmes tout de suite camarades.

— Je ne vous cache pas, lui dis-je, en lui remettant le rouleau, que la pièce vient d’être refusée au Vaudeville.

— Par Raymond Deslandes, hein ? Alors revenez dès demain matin, je l’aurai lue ce soir. Fichtre, vous vous prémunissez tout de suite de la recommandation la plus imposante ! Quel malin vous êtes !

Le lendemain donc, après m’avoir fait civiliser ma tête de loup par le propre coiffeur de Victor Koning et aromatisé d’essences élégantes, je me présentai à son huis. — À la bonne heure, s’écria-t-il, vous avez la tête à succès !

— J’avais oublié de vous dire honnêtement que si la pièce a été retoquée par Raymond Deslandes, elle a été reçue par Charles de La Rounat.

— Ça, c’est embêtant. Mais ça ne fait rien. J’ai lu, je vous l’avais promis, quoique ce fût parfaitement inutile. Un bon directeur ne doit jamais lire un manuscrit. Les pièces ne valent que par l’interprétation. La vôtre s’adapte à ma troupe, tout est là. J’ai pour ses divers rôles les comédiens qui leur conviennent, Saint-Germain, Marais, Guitry, Marie Magnier, qui est si belle ; on pourrait lire demain aux artistes, si…

— Si ?

— Si j’avais la créatrice idéale, nécessaire, indispensable, sine qua non, de l’héroïne.

— Existe-t-elle ? fis-je, l’œil ouvert à la méfiance.

— Oui, elle existe.

— C’est Sarah Bernhardt, n’est-ce pas ?

— Vous le reconnaissez vous-même. Sans Sarah,