Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 4, 1913.djvu/278

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un apport sérieux, et il fut reconnu d’un accord unanime que, si la fille était jolie, le parti était considérable pour un bandit pauvre.

Le premier village où nous fîmes halte est Piedicroce-d’Orezza ou plutôt le couvent qui le commande.

C’est l’un des trois couvents illustres de la Résistance ; les deux autres sont celui de Morosaglia et celui d’Alesani. Le couvent de Piedicroce n’offre pas extérieurement un grand intérêt. C’est un édifice carré, long, d’aspect roman, surmonté d’un campanile à quatre entablements et sans flèche. Mais l’intérieur est une ruine d’un aspect rare et singulier, et je n’ai rien vu dans mes voyages qui m’ait autant fait regretter de ne pas être Pieter Neefs, à défaut d’un Pieter de Hooghe. Un effet de clair-obscur sur cet étonnant effondrement de chapelles, d’autels, de colonnes, sculptées, de statues décapitées, d’ornements et de gravats d’art, on aurait le plus beau motif de peinture imaginable. On en a fait une caserne de gendarmerie !

Piedicroce ne diffère des autres villages de l’île que par une propreté indiscutable et toute à son avantage. On ne se heurte pas dans ses rues à ces énormes cochons noirs, d’ailleurs si amusants que l’on est forcé d’enjamber, dans le Niolo, pour passer et suivre son chemin. L’auberge où nous descendîmes est fort bien tenue, convenablement approvisionnée, et nous eûmes le plaisir d’y causer avec un percepteur aimable et lettré, qui charma notre veille par de bonnes histoires de bandits.

Une entre autres, dont les Bellacoscia (qu’on ne gobe guère ici) assument la responsabilité. Un mal-