Certes ! il était bien une heure du matin ; mais vous allez voir ce que c’est que l’hospitalité corse quand elle est rassurée : en un quart d’heure tous les membres de la famille étaient non seulement rhabillés mais endimanchés. Tous les lits étaient refaits à notre intention et garnis de draps blancs, et un souper fabuleux nous était servi dans le salon illuminé de tous ses candélabres.
Jamais je n’ai mangé de pareil appétit !
Jamais je n’ai dormi d’un tel sommeil !
Et la triste Morosaglia se revêt pour moi d’un souvenir enchanté, où la gendarmerie même a des ailes.
Celui des hameaux de la commune où l’on montre et visite encore la maison natale de Pascal Paoli a pour nom la Stretta. Dans quel état d’abandon les Corses la laissent ! Mais son délabrement même la poétise d’une austérité qui a son charme morne.
En somme, c’est la maison d’un vaincu, de l’un de ces vaincus de la liberté qui sont les plus tristes sur la terre. Si j’étais Corse, elle me ferait pleurer, cette ruine, que le temps achève et qui s’émiette dans les vallons. Car celui qui naquit là voulait son pays autonome, et il n’est que français.
Est-ce là ce que veut dire la désolation de l’habitacle solitaire, et faut-il y entendre la voix éloquente des choses dont parlent les philosophes ?
Aussi nue à l’intérieur qu’elle est, à l’extérieur, ravagée, sans un meuble, sans un livre, sans un souvenir, et telle encore que la vit, elle aussi, Gregorovius en 1852, soit n’ayant pas une vitre à ses fenêtres, la maison de Paoli à Morosaglia m’a laissé l’impression d’une tombe abandonnée de nos ci-