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cette pièce n’est autre, pour le thème et les personnages, que La Princesse de Clèves deux siècles après. Comme aucun critique ne parut s’en douter, je dois croire que j’y ai trahi bien fâcheusement Mme de Lafayette, La Rochefoucauld et même Segrais puisqu’on veut qu’il y ait collaboré.

Tel ne fut pas, pourtant, l’avis de La Rounat qui, au cours même de ces répétitions affolantes de Le Nom, voulut connaître mon nouvel essai et le reçut séance tenante en me traitant de : Dumas fils, injure délicieuse. Il va sans dire qu’après la tatouille odéonique reçue sur ma pièce normande, je lui épargnai le regret de me le rendre. Il m’en eut d’ailleurs un gré infini et il me citait parmi les gens courtois de son temps. — Caractère atroce, l’animal, oui, disait-il, mais un gentilhomme. Il m’a retiré l’autre de lui-même.

Le rôle de la princesse (Herminie) avait été tracé pour Sarah Bernhardt qui, avant son exode en Amérique, m’avait engagé à travailler pour elle. C’était le temps héroïque de sa brouille avec Émile Perrin et elle voulait chiper les poètes à la Comédie-Française. — Je serai votre muse à tous, disait-elle, suivez-moi !

Comme elle se trouvait alors à Vienne, je lui écrivis que j’avais un ouvrage à son service. Elle me répondit aussitôt par dépêche :

« Accepte de tout mon cœur. Serai à Lyon le 15, resterai trois jours, envoyez-moi rôle à lire ou pièce, si possible. »

Ce télégramme dans la poche, j’allai d’abord au Vaudeville et j’y trouvai son directeur sous le péristyle, au bureau de location à laquelle il présidait en