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Dieu sait pourtant si l’accueil de ces bonnes gens fut aimable !

Notre venue avait été signalée, et nous trouvâmes la petite auberge entièrement revêtue et quasi brodée de cyclamens, pareille à un reposoir de la Fête-Dieu, et si fleurie que nous n’osions en passer la porte.

Cette énorme quantité de cyclamens avait été cueillie le matin par les fillettes, dans la forêt, et tout le hameau avait été requis pour en enguirlander la maisonnette.

Une poétesse nous souhaita la bienvenue par un compliment rimé, et le repas nous fut servi au flamboiement de tous les chandeliers qu’on avait pu réunir chez les pauvres forestiers.

Le repas de l’hospitalité corse se compose immodifiablement de trois mets, d’ailleurs délicieux : des carrés de porc cru salés et fumés, des truites de torrents et du fromage de chèvre.

À l’époque de la chasse, le régal s’augmente d’un service de bartavelles ou perdrix rouges.

Tout cela est présenté froid, et je dois dire que, pour les perdrix et surtout les truites, ce mode d’apprêt est supérieur à l’autre.

La truite de torrent corse mangée froide est d’une saveur extraordinaire et fort au-dessus de celle des truites de lacs suisses. Elle vaut la traversée pour un gourmet, et même un petit naufrage en plus.

Ah ! mon cher prince, vous en souvenez-vous de ce souper pittoresque et charmant, sous le dôme noir des mélèzes de Vizzavona ?

Quelle soirée inoubliable !

Les cyclamens détachés des guirlandes pleuvaient