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Il y a des gens qui appellent cela de la pression électorale !

Ils ne manqueront pas de crier que ce maire faussait de la sorte le mécanisme du suffrage universel.

En quoi ?

Comment vouloir que ceux qui ne savent pas lire sachent écrire ? L’important n’est-il pas que l’on vote ?

Une urne est une urne. Un maire est un maire, ou je n’y connais rien.

Mais les Bellacoscia ne furent pas de cet avis. On vint les avertir de ce qui se tramait, car ils prépondèrent dans les élections comme dans tout le reste. Ils donnèrent donc de la trompe, et, à leur signal, tous les parents qu’ils ont, cousins, neveux, amis, protégés et bergers, escaladèrent les pentes du monte d’Oro et se trouvèrent réunis au Palais-Vert, chez le vieil Antoine.

Là, on tint un conciliabule où j’aurais bien voulu être, car, moi aussi, je trouve que les cinq codes manquent de fantaisie, et, le soir venu, tous étaient rentrés à Bocognano. Les rouets, comme d’habitude, tournèrent au coin des cheminées.

Le lendemain matin, le vote s’ouvrit dans la gendarmerie, dépouillée à cet effet de ses gendarmes. Le maire était à son poste, le ruban allégorique au ventre, souriant à l’urne, qui, de sa belle bouche, lui rendait son sourire !…

Dix jeunes Bocognaniens, solides gaillards de vingt à trente ans, la fleur de cyclamen aux lèvres, se présentent d’abord et marchent au jeu de tonneau républicain. Ils sont silencieux et calmes.

L’un d’eux tire de dessous sa veste une corde, et