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tion un peu vive peut-être, mais juste de cette loi de Lynch qui est la gloire de l’Amérique !

« Hélas ! Monsieur, nous disait le jeune Antoine, qu’est-ce que la vendetta ! Elle a pour origine l’impossibilité historique où les Corses ont été pendant des siècles entiers de se faire rendre la justice par leurs dominateurs et leurs tyrans. Quelle histoire que la nôtre : l’exaction, le vol et le massacre en permanence ! »

Et il baissait la tête tristement.

Moi, je regardais ses cousines, et en les regardant il me semblait que je le comprenais mieux. Il s’en aperçut, et parla de ses oncles.

Il vanta leur adresse extraordinaire au tir, et il en cita des traits qui passaient toute vraisemblance.

L’un de nous, assez bon tireur, émit quelques doutes sur l’un de ses récits :

« C’est impossible, dit-il, et Guillaume Tell lui-même… ! »

Antoine ne le laissa pas finir, et, comme notre muletier venait de placer sur la table la bouteille de champagne réglementaire, le jeune Corse dit quelques mots à l’oreille de Marthe qui disparut.

Nous la vîmes dégringoler à grandes enjambées sur la pente. Dix minutes après, elle revint, j’observai qu’elle était approvisionnée de cigares. Y avait-il donc un bureau de tabac à la Pintica ?

Je venais de m’emparer de la bouteille de champagne, et, la tête un peu troublée peut-être, je proposais un toast au père et à l’oncle de nos deux ravissantes échansonnes.

« Chut ! silence ! fit tout à coup le neveu en tendant l’oreille.