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marchera sans se lasser. On trouve aussi beaucoup de cette matière ferrugineuse auprès de Corte. »

(Description de l’île de Corse, par le sieur Bellin.
Paris, F. Didot, MDCCLXIX.)

De brandes en brandes et de sifflets de bergers en sifflets de bergers, nous finîmes par atteindre, vers onze heures et demie, un petit plateau très étroit, ombragé de châtaigniers gigantesques qu’enguirlandaient à perte de vue des ceps de vignes chargés de raisins bleus.

Là commence le domaine des Bellacoscia, le féerique Palais-Vert, terreur des pandores.

Marthe s’était assise à cet endroit pour nous attendre. Elle ne fumait plus, n’ayant plus de cigares, morose. D’un coup d’œil je vis son ennui, et je lui tendis ma pipe, car je sais être gentilhomme.

Un sourire charmant fut ma récompense, et l’ambre brilla bientôt entre les mousses de ses lèvres. Ah ! fumer de la sorte, ce n’est plus fumer ! mon Dieu ! c’est entrer en gare tout le temps, comme une locomotive de Turner !

Un tintinnabulement de grelots argentins drelinlinda dans la vallée : c’était notre mulet qui arrivait avec le déjeuner, ayant, lui aussi, fait la nique à la gendarmerie.

Deux forts molosses parurent en même temps à l’orée d’un bois de mélèzes, qui, sans aboyer, piquèrent droit à nos culottes inconnues, et nous dûmes les leur présenter. Ce après quoi, ils nous guidèrent, l’un devant et l’autre derrière ; nous étions dans la Pintica. La Pintica est une gorge ou un saut du mont