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l’immortalité, où il est rudement embêtant d’être en pierre, voire en marbre ou en bronze, si vous voulez, — et je vis distinctement une caravane d’Anglais se diriger, par les ruelles où claquetaient les chapelets de piments, vers la maison natale de l’homme qui leva et put encore lever une Légion d’honneur dans une armée telle que la sienne.

Au café du Roi-Jérôme, où le prince Roland est reconnu par plusieurs officiers de la garnison, ses camarades de Saint-Cyr, la causerie s’engage sur la question de la vendetta.

Je viens d’acheter en effet chez un bijoutier un amusant poignard local que je leur montre. La lame du stylet est gravée, et on y lit :

Vendetta 1887.

Y en a-t-il de la comète ?

Et l’on parle des Bellacoscia.

Ne pas avoir vu les Bellacoscia, c’est ne pas avoir vu la Corse contemporaine. Ils sont la fleur du maquis et l’idiosyncrase du département. Ces deux bandits vénérables poétisent de leur impunité exemplaire et vraiment pittoresque les cimes de ces Alpes escarpées, boisées de forêts sombres, peuplées de renards et de sangliers, et hautes de deux mille mètres au-dessus du niveau de la civilisation.

Oui, mais le moment est mal choisi : on les traque, assez vivement, et ils nous ont fait savoir que, malgré la joie qu’ils se promettaient d’offrir un punch à un prince français, ils étaient forcés de lui demander crédit pour quelques jours seulement. Le temps de donner une bonne leçon de gendarmerie aux gen-