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blait si navré, si navré, que je le crus d’abord jaloux du général Boulanger, alors dans toute sa gloire.

Le statuaire de cette statue de la place du Marché, à Ajaccio, n’est rien moins que Barye. On voit qu’il n’était pas bonapartiste.

Seul l’Italien qui sculpta le Napoléon tout nu de la place Saint-Nicolas, à Bastia, lui dispute le pompon de la mélancolie. On leur doit certainement des prises de voile en Corse.

Or donc, le soleil se couchait derrière l’icône et moi je lui disais, dans la langue qu’on parle aux statues :

« Qu’est-ce que vous avez, mon Empereur, à être abattu comme ça ? Vous allez finir par choir dans la mer. On dirait que vous cherchez à retourner à Sainte-Hélène. »

À ce moment, un galopin ajaccien, qui vendait des journaux du continent, sortit d’une librairie voisine, enjamba les ruisselets de la place et me tendit une feuille où il y avait des actualités fraîches pour un sou.

« Demandez, criait-il de sa voix aigre de garçonnet qui mue, demandez le grand scandale de Paris ! La vente de la Légion d’honneur ! Deux généraux compromis ! Cinq centimes ! »

Et une nuée d’autres petits vendeurs s’élança dans la ville, criards, insolents, échappant aux officiers de la garnison qui voulaient leur tirer les oreilles, et propageant de tous côtés la nouvelle.

De tous les coups durs que l’on puisse porter à l’œuvre napoléonienne, celui du trafic de l’étoile des braves est le coup le plus dur. Et je pensais que la chanson avait raison, et qu’il y a des moments, dans