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sauvage. Et c’est tout, car le bandit ne compte pas ; il a son parfum propre.

Ces huit plantes, lorsque le divin soleil commence à en remuer les sèves, combinent leurs exhalaisons particulières en une sorte d’élixir horrible, à peu près assimilable à celui d’une résine poivrée, qui est le musc de l’île.

Si le Père éternel met des relents dans son mouchoir, c’est celui-là. D’autant plus que, par sa configuration sur la Méditerranée, la Corse ressemble à s’y méprendre à un flacon d’essence, dont le cap Corse serait le goulot. Le Créateur est toujours clair et explicite dans ses créations.

Il en résulte que ce qu’on appelle « prendre le maquis » serait une opération qui consiste à se retirer d’une société mal faite et puante, pour aller vivre dans un bois odoriférant. Le bandit est peut-être un homme qui échappe sagement à la mauvaise odeur des lois et de ceux qui les incarnent, notamment à celle des gendarmes, dont les bottes sonores exhalent un ylang-ylang si rude de ton et d’autorité. Le banditisme serait une question d’arôme. Je suis le premier qui l’ai compris, et je le révèle timidement.

Résine poivrée, c’est à peu près cela en somme, ou plutôt gingembrée, mais surchargée, quand la brise évente les brandes corses, de légères émanations furtives de lavande, de thym et de citronnelle.

Vous allez rire de ma comparaison, mais les fins de gueule l’apprécieront. Dans quelques cuisines de province, vastes et aérées, certains courts-bouillons reposés et mitonnant à froid sous le couvercle, pro-