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artistique. La scène où Gaston parodie les gestes et allures de son père est très bonne et très nécessaire ; elle explique à la fois le père, le fils et la famille et elle caractérise le temps où l’action se passe, nos mœurs et notre monde renversé. Si le contraste qu’elle forme avec la mort est violent, l’auteur n’a pas transgressé son droit en le faisant tel, et d’ailleurs personne ne prévoit la mort subite de Vigneron à ce moment. Bien plus, c’est grâce à cette scène que l’auteur éloigne du spectateur toute idée et tout soupçon de cette apoplexie foudroyante, et par conséquent qu’il en ménage l’effet et en augmente le désastre. Si Becque ne s’est pas donné la peine d’expliquer tout cela à ses émondeurs, c’est qu’il a pensé qu’il y perdait son temps. D’ailleurs il voulait entrer dans ce cloître de la rue Richelieu, il s’est laissé tondre comme un simple Clodomir.

J’en dirai autant de toutes les modifications, sans exception, qu’il a dû se laisser imposer, et de toutes les tonsures qu’il s’est laissé faire pour dire la messe à cet autel du dieu Scribe. La phrase où Blanche tutoie son amant et fixe de la sorte le degré de leurs relations inconnues de toute la famille est une phrase théâtralement nécessaire, qui suspend l’effet de cette révélation sur la scène du troisième acte et en prépare l’angoisse. La scène où Mme de Saint-Denis essaie de détacher par des conseils horribles et des insinuations infâmes la pauvre Blanche de son fils est traitée par mode de progression, avec infiniment d’art et de tact, et j’estime que, d’en retirer un mot, c’est ébranler tout l’échafaudage. La scène enfin où le notaire Bourdon ajoute le plus funèbre de tous les cris à son croassement de corbeau, le cri de la