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Je croirai au pacifisme des tueurs de lièvres et de perdrix quand, au lieu d’un fusil à deux coups et d’une carnassière, ils se muniront d’un riflard et d’un canevas à tapisserie pour copier des fleurs dans la campagne.

Un bétophile est un bétophile, et je ne sache pas qu’il y ait, depuis Noé et son arche, deux façons d’aimer les bêtes, car ceux qui les aiment à la broche, en civet, en pâté, aux choux et bardées de lard, les aiment mortes, voire faisandées, et dans cet état elles sont notoirement insensibles aux caresses.

Jamais encore on ne me convaincra que le chasseur, cher aux caricaturistes, qui flanque deux charges de petit plomb dans le derrière innocent de son chien, n’en vient à cette extrémité que pour épargner une lapine, mère de famille en train d’initier sa progéniture aux douceurs du serpolet embué de rosée. On ne quitte pas pour ça son lit dès l’aurore. On ne verse pas soixante francs au gouvernement, fût-ce à celui de son choix, pour s’exposer à d’aussi héroïques méprises cynégétiques. Je le donne au général de Grammont lui-même, guerrier qui nous décrocha, en 1849, la loi timbrée à son nom. Entre la lapine et le chien, ce tueur d’hommes n’aurait pas lâché le coup, et voilà qui est aimer les bêtes.

Pour les besoins de la cause on divise les animaux en deux groupes : ceux dits domestiques, qui nous servent ; et les autres libres, qui nous fuient. Qui ose les en blâmer lève la main ! Le fablier est plein de dialogues échangés à ce sujet entre les deux types, et le loup, chien sauvage, y dit d’assez bonnes choses au chien, loup domestique. Or, la division