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guer dans le maquis et Mérimée non plus, quoique excellent bonapartiste. Figurez-vous que, de rocher en rocher, si on le poursuit, il se laisse tomber sur les cornes, pique une tête, fait la culbute et s’enfonce. On ne l’abat que dans le laps de ce saut périlleux. Il faut être bon tireur.

— Vous l’êtes ?

— Infaillible ! Aussi, moi, je l’ai vu. J’en ai même boulotté, vous dis-je. Rien de plus coriace. On n’en aurait pas voulu pendant la retraite de Russie. Ceux qui nient son existence sont les mauvais chasseurs. Êtes-vous chasseur ?

— Faut-il tout vous dire ?

— Allez, allez.

— Eh bien, voici. Mais ce sera un peu long peut-être.

— Caliban est toujours trop bref. Je vous écoute.

— La vénerie, qui, à elle seule, est déjà tout un art et chanté par des tas de poètes, serait le plus beau des sports s’il ne contredisait point l’institution de la Société Protectrice des Animaux. Il n’est guère possible, en effet, d’accorder leurs deux principes antagonistes et le casuiste le plus subtil y perdrait son latin ergotatoire. Qu’on l’explique comme on voudra, la chasse est à base de meurtre.

Ses défenseurs ne laissent pas de soutenir que le meurtre, ici, n’est que le prétexte de l’exercice, et, quand ils veulent rire, l’accident, il n’en va pas moins que c’est pour tuer qu’on se guêtre et qu’on s’arme, et non pas pour faire prendre l’air à son chien. Connaissez-vous beaucoup de chasseurs qui se lèvent à quatre heures du matin et partent à travers les javelles dans le but de rentrer bredouilles ?