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L’œuvre, vous ai-je dit, est en deux tomes, l’un de prose, l’autre de vers, illustrés l’un et l’autre de caricatures dans le goût du Punch, d’un flegme extravagant et irrésistible. Il y a notamment, dans une Méditation à Versailles, traduite de Thackeray, une effigie en trois volets du Roy Soleil — à droite, un Louis XIV en perruque, manteau de cour et bas de soie, — à gauche, le costume seul et sans Louis XIV, sur un mannequin — et au centre, un pauvre petit bonhomme bedonnant, chauve, rabougri, aux jambes en fuseaux et gérontiforme — qui est assurément le triptyque sans pair de la désopilation.

Je vous disais donc que dans ce recueil, composé en façon de miscellanées, — genre de livre charmant d’ailleurs qui, un jour ou l’autre, reviendra à la mode, comme le keepsake peut-être — le vers alterne avec la prose, et par conséquent, l’humour avec le lyrisme. Sir Tollemache Sinclair a les deux cordes d’or et d’argent à son arc et il les tend à tour de rôle. Comme prosateur, il dérive de Swift, de Sterne et de Thackeray, déjà nommé, qui paraît être son maître, mais à leur jovialité stridente et anglo-saxonne il mêle une érudition bénédictine. À lire seulement ses notes marginales, on se demande ce qu’un tel homme ignore des hommes, des choses, du passé, du présent et même de l’avenir. Quand ces satanés Grands-Bretons s’y mettent, ils nous dament le pion sur tous les échiquiers littéraires.

L’une de ses fantaisies documentaires tend à prouver que Charles Gounod est beaucoup mieux que Gœthe le véritable auteur de Faust, et elle le prouve, ce qui est un assez joli tour de force. Elle le prouve