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aussi bien doué pour la comédie que pour le drame.

Mais sa malice ne lui servit à rien, et pendant les répétitions les sacro-saints gardiens du feu prirent leur revanche par ce que l’on appelle : des coupures de théâtre. Les Corbeaux n’arrivèrent au public que déplumés et le bec rivé. Voici comment je protestai dans Le Voltaire au nom des lettres contre cet attentat subventionné.


III


Il est heureux que Scribe soit mort avant la représentation des Corbeaux de Becque, car il n’aurait pas passé la nuit, ce soir-là. Mais à défaut de Scribe il nous reste la critique que ce grand homme nous a faite, la bonne critique, un tas d’Aristotes, qui pensent que le théâtre a ses règles comme le jeu de l’oie. La première de ces règles, celle pour laquelle Scribe se serait laissé écarteler, c’est la loi de sympathie.

Parlons-en de la loi de sympathie. S’il est une loi d’art non seulement facultative, mais contestable, c’est celle-là. Elle n’a d’autre raison d’être que celle que lui prête l’attrait du contraste. Il peut être avantageux, dans une situation, d’opposer un personnage sympathique à un personnage antipathique, mais que l’on y soit toujours forcé, jamais de la vie ! Un beau coquin, bien triomphant, est un objet d’étude aussi intéressant, soit-il sans repoussoir, qu’un ange blanc sur un fond brun Van Dyck.

Je dirai même plus : le véritable artiste évitera le repoussoir ; il tiendra à modeler son coquin en plein