Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 4, 1913.djvu/139

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui seul sut échapper au supplice et déjoua les pièges horribles des quinquistes méchants. Mais ce pauvre Alphonse numéro douze !…

« Je comprends qu’un épicier subisse en rechignant, mais enfin subisse la loi qui veut que le café soit dosé de Bourbon autant que de Martinique. Le café sans Bourbon, quel café serait-ce ? En est-il donc de même d’un peuple civilisé et ne pouvez-vous point vous représenter l’Espagne toute en moka, par exemple, et sans mélange ? Moi, oui. Vous, non. De là tous les malheurs du jeune Alphonse. Car dire et avancer que ce jeune homme est à la noce, c’est proprement prendre une blague à tabac pour une lanterne.

« Malheureux jeune homme, à peine sorti de sa jeunehommière, et déjà pareil aux princes les plus pitoyables de la Tragédie. Il est Bourbon, il faut qu’on le mélange. Qu’est-ce qui vous dit qu’il veuille être mélangé ? Hélas ! rien. Dans ses rêves d’écolier heureux, il désirait peut-être, et probablement, être homme libre, gagner sa vie avec honneur par son travail et se faire un nom dans la haute industrie. Peut-être a-t-on de lui des aquarelles, luisantes de promesses. Est-ce qu’on sait ? Il donnait sans doute des espérances sur le piano. Sort amer, qui d’un bon serrurier fait un Louis Seize, sorte de roi sans tête.

« La pitié m’empoigne. Si j’étais Roy !… » Broumm ! Pas de mauvaise charge. L’hypothèse est abominable. Il y a même une sérénade qui chante : « Ah ! si j’étais le Roy d’Espagne ! » C’est purement de l’insolence. Tais-toi, autre guitare.

« Ce que c’est que d’être Roy d’Espagne ? Je passe