Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 4, 1913.djvu/130

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

beaucoup plus que la prose. À la peine qu’elle endure à l’entendre, elle croit à un surcroît de travail et de patience chez le rimeur, et elle est touchée de ses efforts d’enfileur de perles. Ce n’est fichtre ! pas moi, qui la désabuserai. J’ai trop souvent admiré que personne ne bronche, dans cet héroïque Paris, lorsque, pendant trois heures d’horloge le funèbre vers en habit noir, le vers « Second Empire » prolonge épileptiquement la scie monotone de son inepte jonglerie. Ceux qui n’ont pas vu les Parisiens pendant le siège et veulent avoir une idée exacte de leur stoïcisme souriant, n’ont qu’à assister à une première de comédie en vers à Paris : c’est le même don de résistance contre la fatalité, la même énergie devant la famine, le même dédain naïf de la pluie d’obus. En province, on en a assez après le premier acte ; à Paris, on va jusqu’à l’armistice.

IV

Mais le rôle de la critique est d’être grave — et de gober ! C’est dans sa badauderie qu’est sa force. Le prosopoète lui impose !

Allez donc, de gaieté de cœur, professer cette doctrine que le propre du vers comique est de ne coûter aucun effort, de naître joyeusement tout seul et de tomber de la cervelle du poète comme les noix d’un noyer qu’on gaule. Tout est plaisir dans cet art, car tout est don. Le premier qui s’amuse à une comédie en vers, c’est celui qui l’a faite. Si vous voulez un signe de reconnaissance pour distinguer le poète comique du prosateur qui rime, n’en cherchez pas