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sa turque de femme, courtisane invraisemblable qui se donne pour de l’argent, non pour une romance, et n’épargne point les jeunes guitaristes, au contraire ! Tu sors du néant, Florinella, négresse sans conscience, et toi, reître sans mesure, vrai spadassin des rimes milliardaires, qui parles une langue sans date, dépravée, résolument anachronique, où l’argot moderne se pare des tournures classiques, désorganise la chronologie des vocables et fait une omelette affreuse de tous les styles nés ou à naître. Vous êtes réalisés, Bruno et Myrio, couple de vrais farceurs, outranciers de la charge, dont aucune police humaine — et même divine peut-être ! — ne tolérerait l’existence ni les conceptions. Or ça ! de quel droit vivez-vous ? Vous sortez des nimbes pour me déshonorer. Je ne vous fis pas présentables. Je ne vous avoue pas le moins du monde. Vous êtes bâtis hors des règles, en dépit du sens commun, à l’encontre de tout ce que l’on admire, pour le plaisir caricatural de modeler dans l’impossible. Vous êtes le rêve d’un Caliban. Voulez-vous bien rentrer dans votre boîte, fantoches en ribotte ! Fermez, fermez vite le guignol des mandragores, car la critique a peur, la critique s’évanouit.

La Nuit Bergamasque ne fut par moi composée ni pour plaire à la critique ni même pour lui déplaire. Je n’ai point pensé à elle, voilà ce qu’il y a à dire. On sait, n’est-ce pas, que je ne regarde pas à la taquiner. Mais cette fois, non. La Nuit Bermagasque, telle que la voici, avec sa folie de rimes, de concept, de personnages hyperboliques, ses détonations de couleur locale, de vraisemblance et son style omniséculaire, est le produit d’une esthétique qui m’est