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hangar dans un chantier de bois, une remise de voiturier en faillite, car il n’y avait pas un sou à dépenser à la location d’un plateau, et le propriétaire de la grange où devait avoir lieu la première — d’ailleurs unique — n’avait consenti à la louer que pour un jour, celui même de cette « unique ».

Quant aux costumes italiens du quinzième, il était stipulé par Antoine que chaque interprète devait se composer le sien lui-même, de son fil et de ses aiguilles, que l’exactitude historique y était obligatoire sous peine d’amende honoraire, et que la direction ne chargeait ses actionnaires que des accessoires, le décor étant, d’accord avec l’auteur, d’un caractère nettement idéaliste et par conséquent indéterminé.

Il y a des gens qui admirent le passage du Pont d’Arcole ! Pendant trois semaines, André Antoine le passa tous les jours, vous dis-je, avec un peu de Bérézina, pour suivre l’image, et quand le rideau se leva sur La Nuit Bergamasque, je croyais en lui. Les dieux nous avaient envoyé l’homme de l’Odéon sur la terre.

Ce que fut cette première, au fond du passage de l’Élysée des Beaux-Arts, les journaux de l’époque peuvent en témoigner et je n’ai pas à le dire. Mes chroniques de Caliban au Figaro battaient alors le plein de leur réussite et Antoine s’était montré bon stratège en escomptant l’effet de leur signature sur le public parisien. Toute la presse grande et petite, critiques, gens de théâtre, boulevardiers et artistes des quatre-z-arts, se trouvèrent, en riant, à leur poste, et nous firent un « mardi » de la Comédie-Française. J’ai trouvé dans les Mémoires de Got le souvenir de la soirée à laquelle il assista — je le vois encore —