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d’auteur reçu ajoute le phénomène de l’obscure clarté signalée par Corneille.

Napoléon Ier avait le coup d’œil de l’aigle. Nulle part ailleurs il ne l’a mieux prouvé peut-être que dans cet édit de Moscou où la question de l’art dramatique en France est réglée une fois pour toutes en plus de cent articles qui, pour être tous violés, nuit et jour, n’en sont pas moins imprescriptibles. En aucun de ces articles l’hypothèse d’une pièce agréée et non représentée n’est soulevée, même par sous-entendu, et le législateur ne semble pas avoir eu le concept d’une telle incohérence artistique et commerciale. De telle sorte que, depuis l’incendie du Kremlin, on est toujours joué à la Comédie-Française, bien ou mal, n’importe, quelquefois après sa mort, mais on l’est. Il suffit de vivre, comme disait Banville. Aussi l’indemnité forfaitaire est-elle inconnue de nom comme de fait dans cette École militaire. Mais dans les autres, même en cet Odéon que le tyran n’avait pas prévu ou osé prévoir, l’auteur producteur, lésé par la rupture, arbitraire ou non, du contrat synallagmatique qui lui assurait un débouché à son produit, est dédommagé de ce tort, commercial s’entend, car l’artistique est inappréciable. Notre Mutuelle y veille. Il y a chez nous un tableau des indemnités forfaitaires, graduées à l’importance des œuvres, sur le nombre d’actes, auquel les tribunaux eux-mêmes en réfèrent, en cas de débat juridique. D’après mes calculs personnels, la ligne de texte, avec ou sans rime, peut rendre à un auteur moyen ses vingt-cinq centimes, au bout de deux ans d’attente, ou d’hôpital, réversibles d’autant sur sa veuve s’il en trépasse. C’est peu au prix du beurre, mais,