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ne se rêvait même pas. Or ils étaient graves. Qu’est-ce que le bon Gondinet avait bien pu leur dire de La Nuit Bergamasque, que d’ailleurs il ne connaissait mie ? Je crus deviner à leurs propos qu’il avait mis en jeu quelque vaticination somnambulique. Rien de crédule comme les joueurs du théâtre et, en fait de bonté, Edmond Gondinet était capable de tout, il aurait fait tourner les tables lui-même ! — Soit donc, messieurs, et à votre service, mais le manuscrit est resté aux mains d’Émile Perrin ou plutôt de Jules Claretie, son successeur. J’irai le reprendre aujourd’hui même et vous le porter à votre cabinet. — Il n’y a qu’à suivre la galerie Montpensier, dit Briet. — C’est l’affaire de quatre minutes, fit Delcroix.

Picard retrouva aisément le rouleau sur la table de Jules Claretie, il y était demeuré grand ouvert depuis le trépas de son prédécesseur et comme s’il témoignait d’y avoir contribué. Je n’eus que la peine de le fourrer dans ma poche lorsque, à mon passage devant sa loge, le père Bret, concierge de Molière, me héla pour me tendre une lettre, reçue pour moi, depuis huit jours, et qu’il était ravi de me remettre lui-même. Elle venait du théâtre de la Renaissance et émanait de ce Fernand Samuel, l’Antoine d’avant la lettre et l’Anti-Porel du temps, dont je vous ai déjà parlé à propos de La Parisienne d’Henry Becque. Fernand Samuel très lettré, très malin et fort paresseux, avait adopté pour critérium de la valeur marchande des pièces le simple refus desdites pièces par ses confrères en direction. — Ça m’évite de les lire, disait-il, elles sont bonnes d’avance de ce fait et par ce signe. Il me réclamait La Nuit Bergamas-