bérance, sans abus de peinture. Mais Rubens, du moins à ma connaissance, n’a plus renouvelé la tentative, et il s’est contenté de cette réussite unique dans une recherche où il se sentait inférieur à d’autres. Il n’a pas osé engager cette lutte entre Anvers et Florence. C’était un homme extrêmement fin, pénétrant et circonspect, et dont le caractère composé forme un contraste frappant avec le génie débordant et lyrique. D’ailleurs pourquoi se serait-il risqué dans une aventure à laquelle il n’était point disposé naturellement ? Entre toutes les passions humaines, l’ardeur religieuse est celle qu’il a le plus rarement éprouvée, si même ce grand païen l’a jamais éprouvée. N’oublions pas que Rubens, par son éducation première, par l’exemple d’un père malheureux, et surtout par l’époque où il vivait, devait être et était enclin au scepticisme philosophique. Les personnes qui voudraient voir en lui l’idéal du peintre religieux, tel qu’elles se l’imaginent, courraient, en venant à Anvers, au-devant d’une déception. Rien n’est moins évangélique et même moins biblique, que la fameuse Descente de croix de la cathédrale. Dans ce tableau, qui n’a rien d’édifiant pour les fidèles, il est aisé de voir que le maître n’a poursuivi qu’un seul résultat, lequel est purement décoratif et pictural. Un corps d’homme mort, d’une pesanteur terrible, est descendu d’une croix élevée, par divers personnages dont tous les efforts tendent à l’empêcher de tomber à terre. Mais rien n’indique que ce corps soit celui d’un Dieu, à moins que l’on veuille attribuer un sens mystique à l’idée de cette lourdeur écrasante. L’équipondération d’un groupe pyramidé et la somptuosité du coloris constituent seules, il faut le dire, l’intérêt de l’ou-
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