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Vous venez, je le vois, pour une dent gâtée !
Vous souffrez ? La gencive est chez vous irritée.
Mais je n’arrache pas, je guéris. C’est vingt francs.
Mes confrères, monsieur, ne sont pas aussi francs
Que je le suis. Souvent pour des odontalgies
Qui sont visiblement de simples névralgies,
Ils extirpent. Ce sont des charlatans. Les dents
Sont des os délicats, tendres. Je mets dedans
Un peu de la liqueur que contient cette fiole,
Dont je suis l’inventeur. Que Dieu me patafiole,
Monsieur, si dans deux jours vous ne venez ici
Me dire : « J’ai mâché du fer ! docteur, merci ! »
En attendant, monsieur, veuillez ouvrir la bouche.
C’est cela. Sentez-vous du mal lorsque je la touche ?
Oui ? tant mieux ! Il le faut. Mais vous venez à temps.
Près de votre dent creuse, il est deux autres dents
Que la contagion de la carie attaque.
Votre palais demain ne serait qu’un cloaque.
Veuillez fermer les yeux et ne plus les rouvrir…
Monsieur, voici la dent qui vous faisait souffrir.

Qu’on me permette de rétablir ici en prose honnête, à l’usage des écoliers, le morceau spécimen dans sa forme nécessaire, et qu’on juge, par collation, du temps que le pauvre Ponsard a perdu sur la terre, en se rongeant les ongles peut-être devant son Richelet.

« Vous venez, je le vois, pour une dent gâtée ? Vous souffrez, la gencive est chez vous irritée, mais je n’arrache pas, je guéris. C’est vingt francs. Mes confrères, Monsieur, ne sont pas aussi francs que je le suis ! Souvent, pour des odontalgies qui sont visiblement de simples névralgies, ils extirpent ! Ce sont des charlatans ! Les dents sont des os délicats, tendres… Je mets dedans un peu de la liqueur que contient cette fiole, dont je suis l’inventeur. Que Dieu me patafiole, monsieur, si, dans deux jours, vous ne venez ici me dire : « J’ai mâché du fer ! docteur, merci ! » — En attendant, monsieur, veuillez ouvrir la