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reconnu. C’était le pauvre Adolphe Dupuis. Ricquier, le régisseur du Vaudeville, qui sortait du contrôle, me révéla d’un geste la navrante réalité. — Vous ne le saviez donc pas ? me dit-il, en se toquant le front. — Ah ! mon Dieu, Ricquier, que me dites-vous là ? Mon pauvre Le Nom doit-il charger encore son infortune d’une telle calamité ? — Rassurez-vous, il n’a cessé d’aimer votre pièce, de la préconiser, de la faire lire même à tout le monde. Il rêvait de prendre un théâtre à ses frais pour vous donner votre revanche. Vous n’imaginez pas la bravoure artistique de cet honnête homme, le vir probus de notre profession. — Eh bien, alors d’où vient cet effondrement ? Car ce n’est plus qu’une ruine. — Dites des décombres ! Voilà où ça mène de vouloir jouer le Tartuffe ! — Comment ? — Ou plutôt de le détraditionnaliser. Il avait du Tartuffe une conception libre et particulière. Jamais, arguait-il, Louis XIV n’en eût autorisé la représentation si l’imposteur avait affecté le moindre caractère sacerdotal. Tartuffe est un aventurier bourgeois, c’est donc sous les espèces civiles qu’il faut le rendre. Et Adolphe Dupuis s’y est essayé dans l’Odéon. Vous voyez le résultat. Encore un fou au compte de Molière ! — Ouf, cher ami, j’aime mieux ça !