distinction naturelle. Les belles manières, à la fois aristocratiques et simples, de l’artiste qui avait créé et typifié l’Olivier de Jalin du Demi-Monde, le singularisaient entre tous les acteurs contemporains et tout lui attribuait là où elle était ouverte depuis sept ans, la succession de Bressant, toujours pendante. Il y avait dans ma pauvre pièce un personnage de gentilhomme de haute roche, soit un duc d’Argeville, qui lui allait comme de cire. Mais il y en avait aussi un autre, celui d’un gros fermier normand, d’ailleurs assez déclamatoire et abondant en tartines démocratiques et sociales, qui s’enfournaient d’elles-mêmes dans le « gueuloir » romantique d’un Dumaine, basse-taille créée de toute éternité pour ces gargouillades. Il va sans dire, et vous n’en doutez pas une minute, que, d’accord avec La Rounat, Adolphe Dupuis avait, sans tergiverser, fixé son choix à contre-tempérament et ne voulait se charger que de l’agronome. Quos vult perdere Jupiter, et il le veut toujours.
Adolphe Dupuis avait alors cinquante-neuf ans, ou plutôt il ne les avait plus, comme compte si bien Sénèque. Revenu de Russie, où il avait mené carrière et acquis fortune, il ne retrouvait plus à Paris ses auteurs ni son temps et il se tenait à l’écart des théâtres déjà fort embrenés de naturalisme. Ayant trouvé dans Le Nom une pièce selon ses goûts et de ce vieux jeu qu’il aimait, il ne se laissa prier d’en être que le temps de se méprendre sur le rôle qui s’accommodait le mieux à ses dons acquis ou naturels, et dans une poignée de main il se mit à mon service.
J’ai connu tous, ou à peu près tous, les comédiens