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de surintendant. De telle sorte que cette Porte de l’Enfer lui ouvrira, vous dis-je, celle du paradis. Il y faut tout cela, oui, mais pas davantage.

Le propre de Rodin, à cette époque, était de ne pas connaître un seul journaliste. Il n’en avait même jamais vu. Ce fut le peintre Georges Haquette, beau-frère d’Edmond Turquet, qui l’initia à ce phénomène en ma personne. À l’anxiété que je lui inspirai d’abord et que je discernai aux ondulations fluviales de sa barbe, je fus forcé de reconnaître qu’il s’exagérait à la fois nos mérites et l’idée que nous en avons nous-mêmes. Mais un bon déjeuner efface bien des méprises, et l’excellent que nous offrit Georges Haquette venait directement de Dieppe, dont il était le Ruysdaël, comme les « marées » royales de Vatel. Je crois me souvenir, toutefois, que le « maçon d’art » ne dut pas qu’à ma corruption gastronomique le premier article publié sur lui dans la presse et que j’avais repris tout mon sang-froid lorsque l’admiration pour La Porte me le dicta pour Le Voltaire.

Paris est une drôle de ville. Il suffit que quelqu’un y attache le grelot d’une réputation pour que tout le monde tire aux cloches. C’est fort bien fait ainsi, du reste, et si l’on approfondissait la critique, on verrait qu’il n’y a en elle, peut-être, que du courage. Dès 1861, Théophile Gautier prédisait Puvis de Chavannes, couvert de risées, et surtout par les peintres. Les nègres n’eurent plus qu’à continuer.

Grâce au ciel, Rodin n’eut pas à attendre la consécration aussi longtemps que le Fra Angelico français et même en assez peu de temps il devint presque à la mode. De forts beaux écrivains s’attelèrent à son char de gloire ; la protection d’État,