d’abord à cause de la déception dont je vous parle, et ensuite parce qu’il nous a donné Auguste Rodin.
J’étais allé, un matin, lui rendre visite au sujet d’une reproduction du Marceau de Jean-Paul Laurens, dont il était propriétaire, et je me rappelle qu’en attendant mon tour de réception, je causais avec un sculpteur, familier du logis, nommé Osbach, et le dernier élève de Carpeaux. Sachez qu’à force de ne pas manger tous les jours, il en vient un où l’on meurt de faim tout de même. C’est ce qui devait plus tard advenir au pauvre Osbach que l’on trouva raide, un beau dimanche, sur son grabat, les dents serrées, une boulette de glaise écrasée entre le pouce et l’index. Mais, à cette époque, il connaissait encore le goût du pain, et même du pain gagné, grâce à son hôte. On se demande souvent pourquoi il y a tant de bustes, innombrablement alignés, à nos Salons annuels, et d’où vient que des artistes de talent s’adonnent à l’emmarbrement sans objet des têtes, mâles ou femelles, les plus nulles du Tiers ? « Oui, m’expliquait Osbach, et dites : des plus révoltantes. Mais ces milliers de bustes, c’est la commande, et, la commande, voyez-vous, nous n’avons que ça pour solder nos ardoises à la crémerie. »
À ce moment le cabinet du surintendant s’ouvrit et encadra une barbe — car, en vérité ce n’était qu’une barbe, percée de deux yeux et montée sur pattes, qui s’avançait comme la forêt de Macbeth, dissimulant un homme.
— Rodin, me jeta Osbach à l’oreille.
Le nom ne m’éclairait point la fourrure. Il ne me désignait alors que le personnage de roman, fameux par son radis noir ascétique, où Eugène Sue incarne