soit-elle et si hâtive, ne suffit pas à enchaîner le lecteur à l’organe, du moins jusqu’à l’abonnement, et le roman n’atteint que la clientèle féminine. Il a donc fallu recourir à un compromis et l’on a fait venir les humoristes.
L’humoriste est une acquisition charmante, certes, du journal actuel, et il a donné, lui aussi, ses maréchaux : mais a-t-il remplacé le chroniqueur ? J’en doute. Il y a beaucoup de gens sur qui la fantaisie ne mord guère, l’ironie abstraite moins encore, et qui préfèrent à l’élixir des cocktails la bonne bouteille rouge ou blanche de nos crus de terroir. L’humour en somme est de vigne anglaise, dont le cep, transplanté de notre coteau de Belle-Humeur, nous est revenu par Montmartre, un peu alcoolisé de brouillard. C’est breuvage de clowns et de danseurs de gigue et nous n’avons pas encore jeté par-dessus bord la haute joie classique du rire des maîtres, expansive autant qu’épanouie, aux tonneaux sans lie et sans amertume.
Ne croyez pas au moins que je veuille ravaler l’humour, ses Swift, ses Sterne et ses Twain, et loin de là. Elle est, chez nous, maniée par des poètes et cette raison seule suffirait à me la rendre chère. C’est grâce à eux qu’elle s’encadre des bordures dorées de l’imagination et se diapre des fleurs du style. Je n’ai d’autre reproche à lui faire que celui de toucher moins de lecteurs que la chronique, la bonne vieille chronique d’hier et d’être moins — pardon, Littré — journalistique qu’elle.
À la fin du Second Empire, temps de ma jeunesse, celle que l’on pratiquait était la chronique à tiroirs ou à transitions. Villemessant n’en voulait guère