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célèbre pianiste Henri Herz, qui l’avait découverte — car on les découvre — et conduite à l’autel pour ses péchés. Mais outre que, Autrichien à l’époque, il ne se rappelait plus, depuis sa naturalisation, à quelle mairie son erreur avait été enregistrée, l’abus du piano, poussé jusqu’à la fabrication même du moulin à migraines, avait totalement oblitéré en lui le souvenir de l’amour le plus partagé qui fut jamais. Henri Herz est mort en 1888 sans pouvoir se remémorer le nom de baptême de ce spasme de jeunesse. Tout ce qu’il pouvait en dire aux historiographes musicaux, c’est que marié un vendredi saint il avait fait, seul, ses pâques deux jours après, en avril.

Partie, elle l’était comme bouchon de Champagne, et jusqu’en Moscovie, l’une de ses sept patries homériques. Elle en revint, quelques mois écoulés, sans le jeune boyard qu’elle y avait reconduit à sa mère. Il était phtisique et l’aimait. La chandelle brûlait des deux bouts. Je tiens encore d’Adolphe Gaiffe qu’elle en activa les deux flammes, et d’un éventail tel que la police en eut le vent et surgit devant le cénotaphe du calciné. Il voletait des rumeurs de captations, de donations, voire de coffres-forts violentés où se mêlait la clameur d’une famille à la voix puissante. Pas de temps à perdre pour éviter, prison comprise, cette justice dont l’attribut, en Russie, est un arbre sec et sans feuilles en forme de 7, que prolonge un fil de chanvre. Si funeste qu’il soit, le piano l’est moins que la potence, sachons le reconnaître. Du reste elle avait le magot sous les jupes. Elle nous revint par des circuits, et, l’esprit ouvert à la vie par un de ces petits crimes qui trempent d’abord et bron-