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comme celle du Salon de 1876 par exemple, le portrait de Mme Karakehia, pour ne citer que ce chef-d’œuvre.

Et vous rappelez-vous la fameuse « femme au parapluie », de 1874 ? Je retrouve les notes que j’avais prises pour mon Salon du Journal officiel sur ce morceau de maître. « Sur un fond vert uni et mat, Mme X… se détache en silhouette noire, debout, jusqu’à mi-jambe — mesure d’ailleurs familière à l’artiste et qui borne l’image au champ de la vue — la main gauche ramenée à la ceinture et la droite appuyée (ô Shnetz ! ô père Picot !) sur un parapluie, dernière concession à l’Institut, fermé. Châtaine et coiffée d’un chapeau très simple, de velours, forme alsacienne, les yeux clairs, aux lobes très blancs dardés d’une prunelle bleue, au feu dur et cependant charmeur, comme sphyngique, non sans quelque strabisme, si j’ose. Le ton qui perle des gants, sous lesquels s’effilent des doigts fins et nerveux, tranche sur les noirs bleus, harmonie difficile, d’un habillement sobre d’ornements, que borde simplement une fourrure de loutre. Tout est parfait ici, pose, attitude, ligne et coloris, et quant à la ressemblance, j’en jurerais sans connaître le modèle, sur la seule foi de ce regard étrange, vivant, poursuivant, obsédant même, qui ne peut être obtenu que par des escarboucles enchâssées ou l’art d’Henner. »

Il ne laissait pas d’être fier de « la Dame au parapluie ». — « Fous foyez qu’un brix de Rome beut vaire aussi du moterne », s’écriait-il avec son accent de Nucingen. Mais, fait inexplicable, ce n’étaient pas les modernistes qui le boudaient, mais bien l’Institut même et les académistes. Ils lui reprochaient ses nymphes. Elles l’avaient enrichi. Ce n’était pourtant pas sa faute, dites ?