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philosophique à la Ville, il fut aussi la petite quiquengrogne de la bourgeoisie libérale qui s’en va et passe la main si tristement à la populace. Aurélien Scholl, commandant de la citadelle, était un esprit fort vaillant, brave de la plume autant que de l’épée, à la française, et qui ne se laissait pas marcher sur le pied, même par un gouvernement. Il nous enseignait l’art de lancer le javelot par les meurtrières, et pour ma part je lui en dois le jeu d’arbalète. J’allais au Tortoni comme à l’exercice, à l’heure verte, et la journée m’était bonne lorsque dans le petit renfoncement de la salle, j’avais la chance d’apercevoir la silhouette hautaine du connétable, le comte médiéval Barbey d’Aurevilly, droit comme sur un cheval de bataille et sablant la coupe d’Aï ou de Clicquot aux mânes de Brummell et du dandysme. Lui aussi, il était tortoniste, intermittent, il est vrai, mais d’habitude, et il avait connu le temps où sur le perron fameux, comme au Florian à Venise, on prenait des glaces vanillées en regardant passer les belles boulevardières du règne.